Cousette est l’une des premières merceries en ligne à avoir proposé des tissus modernes, de qualité et à des prix accessibles. Elle a indéniablement contribué à déringardiser l’image de la couture et à la rendre accessible à toutes.
Ses tissus m’accompagnent depuis que mes débuts en couture, il y a presque 10 ans maintenant. C’est avec Cousette que j’ai découvert les merveilleux Liberty, les jolis tissus Art Gallery, les sublimes gazes de Nani Iro, et bien d’autres trésors…
J’ai donc été particulièrement touchée et heureuse lorsque Cécilia a accepté l’interview pour LOUISE Mag. Ensemble, nous avons évoqué les débuts de Cousette, l’évolution du monde de la couture, notre passion commune pour les jolis tissus, la couture comme moyen de résistance à la fast-fashion,.. Bref, j’ai passé un excellent moment et j’espère que ce sera votre cas aussi en découvrant cette interview 😊.
Il y a 10 ans, tu créais Cousette. Comment est né ce projet ?
J’ai été styliste pendant 10 ans avant de créer Cousette. J’ai fait mes premiers pas dans la mode féminine et j’ai ensuite travaillé 7 ans dans la mode enfantine. Plutôt pour des jeunes créateurs, comme WOWO.
Et puis comme beaucoup de monde, lorsque j’ai eu mon premier enfant je me suis posée pas mal de questions sur mon avenir professionnel. J’habitais en banlieue parisienne, j’avais 2 heures de transport par jour donc j’avais envie que les choses bougent. Créer une marque en prêt à porter, c’est compliqué et il faut avoir beaucoup de moyens donc je n’étais pas prête à me lancer sur un tel projet.
On avait pas mal de problèmes de stock de tissus au travail et je savais qu’on n’était pas les seuls dans ce cas. L’idée m’est venue d’utiliser les stocks des créateurs pour les revendre à des particuliers. A l’époque, dans le milieu de la couture et du DIY, il y avait beaucoup de tissus pour patchwork mais c’était compliqué de trouver de jolis tissus d’habillement. J’avais envie de proposer une offre différente, des tissus avec lesquels on aimait s’habiller.
A cette époque-là, mon mari suivait une formation pour être webdesigner. J’ai quitté mon travail et on a monté le site Internet pendant que lui était en formation. J’ai fait le tour des créateurs pour récupérer leurs stocks de tissus et les vendre sur le site qu’on était en train de monter.
On a commencé avec très peu de choses et peu de budget. On faisait pas mal de dépôt : on récupérait des tissus chez les créateurs et on les payait une fois qu’on avait vendu.
Il y a 10 ans, la vente en ligne était peu développée. Pourquoi avoir choisi de vendre sur le web plutôt qu’une mercerie physique ?
Mon compagnon était branché web, donc ça a aidé ! Quant à moi, j’ai travaillé longtemps dans des ateliers boutiques et c’était quelque chose dont je n’avais plus envie, être bloquée à un endroit, rester à attendre les clients… Et puis le rêve c’était aussi de pouvoir partir de Paris. Ce qu’on a fini par faire d’ailleurs, puisqu’on est dans le Perche maintenant !
Que représente la couture pour toi ?
Ma grand-mère cousait l’intégralité de sa garde-robe, ma mère aussi sait coudre même si elle a une prédilection pour le tricot, je crois donc que la couture à toujours fait partie de mon univers.
De mon côté, j’ai commencé à coudre en BTS, en stylisme on fait tous un peu de couture. J’ai repris à la naissance de ma fille (qui correspond au peu près à la création de Cousette). Malgré tout je n’ai pas un niveau exceptionnel et surtout peu le temps pour faire tout ce que j’aimerais. J’ai la chance de partager notre atelier avec Anne-Cécile, une formidable couturière, du coup si je n’ai pas le temps ou que je doute de mes capacités sur certains modèles, je lui passe des petites commandes 😃.

Comment perçois-tu ce monde de la couture amateur, du DIY, et son évolution depuis que tu as créé Cousette ?
Au moment où j’ai commencé, je sentais un frémissement par rapport à la couture. Il y avait un changement de public, une image qui commençait à devenir différente. De plus en plus de jeunes femmes se mettaient à la couture.
Mais est-ce qu’il y a beaucoup plus de gens qui pratiquent la couture aujourd’hui ? Franchement je ne sais pas. C’est peut-être seulement un changement d’audience et de façon de voir… La couture a pris un coup de jeune et n’a plus du tout la même image, ça c’est indéniable. L’arrivée des réseaux sociaux, des blogs, de Facebook, et puis maintenant Instagram, a permis de véhiculer cette nouvelle image. La couture est quelque chose qui se partage beaucoup, je ne suis pas sûre que ce soit le cas dans tous les domaines.
Du coup, c’est vrai que quand on travaille dans ce milieu, on a l’impression que tout le monde coud ! Mais ça reste relativement marginal, même si de plus en plus de gens ont envie de refaire des choses de leurs mains (couture ou autre). J’espère que ce n’est qu’un début, c’est tellement agréable de créer, de réapprendre à prendre le temps pour faire …
Tu parlais du rôle important des réseaux sociaux qui ont modernisé l’image de la couture. Chez Cousette, comment les utilisez-vous et quelles relations avez-vous avec les blogueuses ?
On a beaucoup utilisé les réseaux sociaux au début. Pour se faire connaitre, on a contacté les filles qui avaient des blogs de couture et de mode pour parler du site. Ça a été l’une des premières choses qu’on a faites lorsqu’on a créé Cousette.
Aujourd’hui c’est un peu différent parce qu’on a une notoriété plus grande. Comme je le disais, on a la chance d’avoir une communauté qui partage beaucoup. Les couturières aiment montrer leurs créations et elles ne sont pas avares de citer la boutique où elles ont acheté leur tissu ou leur patron. Donc ça permet d’avoir de facto de la communication sur Instagram.
Il nous arrive aussi de faire des partenariats avec des instagrammeuses qui sont déjà nos clientes. On le fait très ponctuellement, et vraiment avec quelques personnes. Mais le plus souvent, on travaille avec nos propres photos ou on reposte des créations de clientes qu’on a bien aimé.
Tu passes beaucoup de temps sur Instagram ?
J’y passe forcément un peu de temps parce que c’est important. Je crois qu’aujourd’hui on ne peut pas faire sans, on ne va pas se mentir ! Ça permet de trouver de l’inspiration, de sentir l’air du temps et puis de voir ce que les gens font avec nos tissus ! C’est très sympa de voir nos tissus prendre forme, et de découvrir ce qui est produit par rapport à ce qu’on avait imaginé ou projeté de notre côté.
Mais j’essaye de ne pas y passer trop de temps, je travaille beaucoup, du coup j’essaye de me détacher des écrans quand je suis chez moi. Mais c’est un formidable outil de travail et ça m’a permis de faire connaissances avec pleins de super couturières !
Pour en revenir aux tissus, comment les sélectionnes-tu ?
Je fonctionne beaucoup au feeling, au coup de cœur. J’ai la chance aujourd’hui d’avoir pas mal de gens qui viennent me voir pour présenter leurs collections, ce qui a beaucoup facilité mon travail.
Au début c’était compliqué de trouver des fournisseurs. Il y avait deux milieux distincts : tout ce qui était mercerie / loisirs créatifs d’un côté et les tissus pour les marques de mode de l’autre côté qui exigeaient des minimums de commandes très importants. Aujourd’hui, avec le développement du marché du DIY, il y a beaucoup plus de fournisseurs qui revendent à des merceries donc il y a plus de choix !
En fait, je prends ce que j’aime. Je me pose toujours la question : est-ce que j’aurais envie de me faire quelque chose dans ce tissu ? Si la réponse est non, je ne le prends pas. J’ai beaucoup de mal avec les fournisseurs qui me disent « celui-là, c’est ma meilleure vente ». A chaque fois que j’ai pris un tissu juste parce que c’était la meilleure vente et qu’il fallait absolument l’avoir, je me suis toujours plantée… Je crois que c’est important de sentir les choses. Donc maintenant, je me fais plus confiance, je ne propose un tissu que s’il me plaît et que je le valide complètement.
Lorsque tu as créé Cousette, c’était pratiquement la seule mercerie en ligne. Aujourd’hui, la concurrence est beaucoup plus forte, comment et en quoi Cousette se démarque des autres ?
C’est un cumul de choses. De par notre ancienneté, il y a une relation de confiance qui se crée avec les clients, avec les services qu’on peut leur apporter, les conseils, etc.
Ensuite, on essaye de proposer une offre assez large. Pour autant, l’idée n’est pas non plus de tout avoir, mais de proposer une sélection de tissus qui nous ressemble et qui correspond à ma conception de la mode ou des tendances. Je pense que c’est plus simple pour les clients de choisir parmi des tissus présélectionnés, qui sont dans le même univers. Ça peut aussi les amener vers des tissus qu’ils n’auraient pas cherché spontanément tous seuls.
Et puis on a développé depuis quelques années déjà nos propres collections de tissus (Cousette fabrics). Comme tu le disais, on est sur un marché où on est très nombreux et c’est devenu compliqué de trouver des tissus que les autres n’ont pas. Aujourd’hui c’est beaucoup plus facile de trouver des fournisseurs mais ils démarchent tout le monde, du coup on travaille tous avec les mêmes ! Cousette fabrics est une façon de marquer notre particularité et de proposer quelque chose de différent, qu’on ne trouve pas ailleurs.
Cousette a aussi sa propre ligne de patrons. Pourquoi et comment est né le projet ?
Créer mes propres patrons, j’y pense depuis très longtemps, quasiment depuis le début de Cousette ! Ça m’a toujours tenu à cœur parce que c’est finalement mon métier de départ. Mais je ne suis pas modéliste donc il fallait trouver la bonne organisation pour le faire, sans que ça ne coûte trop cher.
On ne s’en rend pas compte, mais les patrons nécessitent beaucoup de temps de développement entre le modélisme, la gradation, les essais, la couture, les explications… Ça représente énormément d’heures de travail donc quand on ne peut pas tout faire seul, il faut trouver les bons partenaires pour le faire.
Ce sont des projets qui doivent mûrir jusqu’au moment où il y a la bonne adéquation avec les personnes qui vont travailler dessus. Parce que rechercher une modéliste comme ça, c’est un peu compliqué surtout qu’on n’est plus sur Paris. C’est pour cela que développer nos patrons a pris plus de temps que pour les tissus.
Nous avons maintenant la chance d’avoir Eva qui travaille avec nous. Elle était costumière et elle fait le modélisme de tous nos patrons. C’est quelqu’un qui est ici tout le temps, on se connait bien, on travaille en confiance et on se comprend ! Donc ça fonctionne très bien.
Tu n’as pas eu peur d’être noyée au milieu de toutes les marques de patrons qui existent aujourd’hui ?
Oui et non, parce qu’on a la chance d’avoir un vecteur de communication et de vente qui existe depuis longtemps. Se lancer toute seule aujourd’hui dans une marque de patrons, en effet, c’est très compliqué. Et comme je le disais, on ne se rend pas compte que cela coûte très cher, c’est difficile de vivre uniquement de ça.
Avoir Cousette derrière nous a permis de mettre ce projet en place et de pouvoir prendre le temps de le développer correctement. C’est vrai qu’il y a beaucoup de marques et que c’est difficile de faire sa place. Il faut aussi être vigilant à ne pas faire des choses qui ressemblent aux autres. Il y a un moment où fatalement, tu tombes sur un modèle plus ou moins proche, surtout que certaines formes sont dans l’air du temps !
Et plus il y a de marques, plus c’est compliqué de faire de la veille auprès de tout le monde pour être sûre de proposer quelque chose de différent. Après, je crois que l’important c’est d’être droit dans ses bottes et de savoir ce que l’on fait et où l’on va. C’est une belle expérience et on prend beaucoup de plaisir à le faire.
Est-ce que tu peux nous en dire plus sur les projets à venir chez Cousette ?
On est en train de refaire complètement le site Internet. On voudrait sortir une nouvelle version pour les 10 ans de Cousette, l’hiver prochain. C’est le gros travail du moment !
A côté de ça, on continue à développer les collections de tissus et de patrons. On aimerait les diffuser plus largement à d’autres boutiques. On a aussi envie de proposer de nouvelles matières, étoffer encore nos collections.
Il y a quelques semaines, c’était la fashion revolution week. De plus en plus de couturières se posent des questions sur les tissus qu’elles utilisent, leur provenance, leur fabrication. Comment te positionnes-tu (et Cousette) vis-à-vis de ces sujets ?
C’est évidemment positif parce que ça pousse les fabricants eux-mêmes à communiquer ces informations et à certifier leurs tissus et à travailler sur des matières plus éco-responsables. Chez Cousette, nous avons de plus en plus de tissus certifiés Oeko-Tex. Il faut savoir qu’une certification coûte cher (plusieurs milliers d’euros) donc c’est sûr que les fabricants hésitaient à investir. Aujourd’hui, comme beaucoup de gens le demandent, ça se fait de plus en plus et c’est tant mieux !
Se mettre à la couture est déjà un acte de résistance à la fast-fashion, une façon nouvelle de consommer. Je pense qu’on est beaucoup à se poser des questions, à essayer de faire mieux. Ce n’est pas toujours simple en tant que consommateur mais ça ne l’est pas non plus comme professionnel : il est encore difficile de trouver du choix dans des tissus bio, fabriqués en Europe. Il n’y a quasiment plus d’usines textiles en France donc on est bien obligé d’aller voir ailleurs. On essaye de faire de notre mieux et on espère que le secteur sera de plus en plus vertueux.
Il faut aussi prendre conscience que tout ça a fatalement un coût. Quand tu veux faire un pantalon, tu en as déjà pour 25 ou 30 euros de tissu, plus le patron qui coûte 10 à 15 euros, et ensuite il faut le coudre ! A côté de ça, on trouve des pantalons à 20 euros chez H&M… je ne vois pas comment on peut se dire que les gens qui les ont fait vivent décemment. Avec le développement de la fast-fashion, on est dans une énorme perte du sens de la valeur de ce qu’est un vêtement et du travail qu’il y a derrière.
On a beaucoup d’envies qui ne vont pas forcément ensemble. Et même si les mentalités évoluent, le pouvoir d’achat n’est pas extensible ! Je comprends parfaitement que tout le monde ne puisse pas se permettre d’acheter un tissu Liberty à 27 euros le mètre… C’est pour cette raison que l’on propose à la fois du haut de gamme mais aussi une offre beaucoup plus accessible pour celles qui débutent ou qui on un petit budget.
Comme dans tout, l’important est de bien penser son projet afin de se faire plaisir en cousant et de facto aimer porter les vêtements que l’on a réalisé.
// Pour en savoir plus sur Cousette :
Site Internet : www.cousette.com
Facebook : @TissuCousette
Instagram : @cousette
Un commentaire
Bravo pour cette belle interview ! Séquence nostalgie, je me suis remise à la couture il y a une dizaine d’années grâce à des sites comme Cousette. Internet m’a permis de trouver enfin de jolis tissus, provinciale que je suis ( peu ou pas de magasins à proximité) et toujours un service et un accueil de qualité chez Cousette. Je ne peux que lui souhaiter une belle continuation. Belle journée